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PAILLOT DE MONTABERT J.-N.

« Traité complet de la peinture » 

 

Paris, J.-F. Delion, 1829-1851, in-8, xxix-134 pp. n.p.-626 pp. ; 646 pp. ; 552 pp. ; 727 pp. ; 566 pp. ; 585 pp. ; 546 pp. ; 674 pp. ; 729 pp., 9 volumes reliés.

 

Reliure demi maroquin vert, dos lisse, filets et titrages dorés, coins accidentés, manque de papier sur les plats, coiffes émoussées, des rousseurs éparses pour un intérieur frais.

 

SANS L'ATLAS DE PLANCHES.

 

[Paillot de Montabert Jacques-Nicolas (1771-1849) est un peintre, historien et théoricien de l'art.

L'artiste entré à l'atelier de Jacques-Louis David au début de l'Empire est totalement oublié aujourd'hui : l'auteur de Jupiter et Io (vers 1802, loc. inconnue), Bélisaire (coll. part.), Stratonice et Antiochus (vers 1804, loc. inconnue) et d'une foule de portraits d'inconnus n'a jamais eu la renommée de son contemporain Gros. Le peu que nous sachions de lui laisse imaginer un de ces artistes de province si nombreux alors à abandonner à de plus acharnés la scène artistique parisienne.

À l'atelier de David, déjà, le théoricien perçait sous le peintre d'histoire : Étienne-Jean Delécluze (1781-1863) le décrit comme « entraîné invinciblement à s'occuper de la théorie de l'art », tandis que le maître reconnaît sa supériorité intellectuelle : « Ce diable de Montabert a toujours raison quand il vous démontre un principe sur les choses de l'art ; son raisonnement est si juste qu'il faut s'y soumettre. » Les premiers travaux qu'il consacre à l'histoire de l'art précèdent de très loin la publication du Traité complet de la peinture (1828-1829) auquel on l'associe habituellement. Quand, en 1831, Paillot de Montabert devient membre de la Société libre des beaux-arts fondée à Paris au lendemain de la révolution de Juillet, c'est comme « amateur, auteur du Traité complet de la peinture » paru deux ans auparavant.

(…) La peinture, considère-t-il, a décliné dès la fin de l'Antiquité, mais sa décadence n'a fait qu'amplifier après la mort de Raphaël. Celle-ci se manifeste notamment dans l'abandon de l'encaustique – technique qu'il définit non par l'emploi de cire mais par l'usage du « cauterium (réchaud allumé), pour parfondre et faire un tout homogène du fond ou apprêt, avec les cires, les matières colorantes et les résines qui composaient le tout » (TCP, t. I, p. 155, ainsi que t. VIII, ch. 568). Corrélat de cette décadence, la peinture à l'huile devrait donc être délaissée et l'encaustique rénovée si l'on veut que l'édifice tout entier ait une chance d'échapper à la ruine. (...) Traiter de la peinture complètement signifiait pour l'auteur récapituler l'ensemble de ce qui pouvait être connu et pensé alors sur cet art. De nature encyclopédique, le projet de Paillot de Montabert est tributaire des Lumières, ce qui ne surprendra guère de la part d'un homme né à la fin du règne de Louis XV et formé pendant les dernières années de l'Ancien Régime. Sa pensée se fonde en outre sur une conception de l'art idéaliste et chrétienne identifiant le beau au bien, qui se trouvera plus longuement développée dans ses deux ouvrages posthumes, L'Artistaire (1855) et L'Unitismaire (1858), ce dernier figurant à l'Index dès l'année suivant sa parution (J. M. Bujanda, dir., Index librorum prohiborum, 1600-1966, Montréal-Genève, 2002, p. 676).

(...) La figure de l'artiste idéal, que Paillot de Montabert esquisse au fil de ses écrits, est celle du « peintre-philosophe » alliant connaissance du métier, réflexion théorique et culture historique. L'histoire de l'art, telle que Paillot de Montabert la conçoit et la pratique, n'est pas exclusivement destinée aux érudits mais doit être utile aussi bien aux artistes, qui disposent enfin de l'ambitieux manuel (quoique le terme s'applique mal à un ouvrage aussi peu maniable !) qui leur faisait jusqu'alors défaut, qu'aux simples amateurs – moins l'« honnête homme » prérévolutionnaire que ce nouveau public sans patrimoine qui se presse aux expositions et témoigne de la démocratisation de la culture dans la France postrévolutionnaire.

(...) Cette histoire de l'art pragmatique (c'est-à-dire utile et finalisée) est destinée à montrer aux jeunes artistes la (bonne) voie, ouverte par les anciens, préservée durant le Moyen Âge, mise à mal par les modernes et rénovée à la fin du XVIIIe siècle. Les Grecs, estime Paillot de Montabert, n'ont pas mené l'art à des sommets inégalés parce qu'ils auraient été, par essence, plus aptes à le faire ou prédestinés, ou encore qu'ils auraient bénéficié d'un milieu favorable, mais parce que chez eux la bonne théorie se trouvait comme naturalisée, intuitivement pensée et vécue.

Paillot de Montabert est de ce point de vue un néoclassique orthodoxe pour lequel le bon art découle d'une bonne et droite doctrine. Il entend ainsi écrire « plutôt l'histoire de la théorie que l'histoire des artistes et des événements », ce qu'il faut  faire  résultant de ce qui avait été parfaitement  conçu  par les anciens et leurs héritiers. La pratique des arts est soumise à leur théorie comme leur histoire est mue par des principes universels.

(...) L'art exemplaire reste toutefois pour lui l'art grec. Son histoire est celle d'un perfectionnement, les Grecs abandonnant leur rudesse primitive en même temps que leur art s'épurait pour atteindre la beauté et l'harmonie au temps d'Alexandre. Cette unité avait perduré, quoique fortement dégradée, jusqu'à la fin du Moyen Âge, pour faire place dès le XVe siècle à un nouveau naturalisme certes, mais aussi à un goût monastique rompant avec l'idéal antique et ouvrant la voie à une incomplétude claudicante. Alors même que les peintres modernes gagnaient en virtuosité, ils n'en devenaient que plus « réellement barbares » (TCP, t. III, p. 2) et la si mal nommée  Renaissance  n'aura été que « la naissance de la dégradation » (TCP, t. II, p. 14). (...) Le  Traité complet de la peinture  aurait coûté à son auteur trente années de travaux et sa fortune, mais devait établir sa réputation. Pourtant, une décennie seulement après sa mort, l'ouvrage semble déjà anachronique et il n'est plus que David Sutter (1811-1880) pour s'y référer avec éloge. Depuis lors, le  Traité complet de la peinture  n'a cessé d'être lu, mais d'une manière paradoxale, comme à rebours : parce qu'il fige un état transitoire, donc particulier, des représentations de la peinture (son histoire, ses pratiques et ses conceptions) avec un luxe extraordinaire de détails de toutes sortes, mais aussi parce que son pragmatisme, lié à un solide caractère analytique propre à son auteur, charme encore le lecteur moderne, lequel donne aux fondements matériels de la peinture une nouvelle place – aux antipodes de celle que lui accordait Paillot de Montabert.

 

Source  : Frédérique Desbuissons, maître de conférences en Histoire de l'art contemporain à l'Université de Reims Champagne-Ardenne]  

PAILLOT DE MONTABERT J.-N. « Traité complet de la peinture »

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